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Par Julien Rapegno
Publié le 04 décembre 2016 à 10h22
L’ ancêtre s’appelle l’Atelier à Royère de Vassivière (Creuse). Ça fait bientôt quinze ans qu’a ouvert ce lieu hybride, mêlant l’activité commerciale d’un bar restaurant de village à une programmation culturelle associative. L’Atelier peut même être considéré comme un précurseur creusois des "tiers lieux", ces espaces très tendance dédiés à la coopération comme à l’innovation sociale et économique.
S’il se répand en milieu rural, le modèle du tiers-lieu a aussi un petit frère aux ambitions plus modestes, le "café associatif." Dans la Creuse, ce n’est pas une mode, c’est une déferlante. Pascal Bousso, coordinateur du DLA Creuse, (dispositif local d’accompagnement) a recensé pas moins de "42 initiatives dans le département associant un lieu à vocation commerciale, un portage collectif et une vocation d’animation locale."
Avec l’aide des agents de développement des pays (Ouest Creuse, Sud Creuse, Combraille en Marche) et de l’équipe d’Aliso (réseau creusois des acteurs du lien social), Pascal Bousso a organisé le premier forum "économie et animation locale", qui a réuni quelque 70 participants à Bourganeuf (Creuse).
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Ces nouveaux lieux sont-ils des commerces fournisseurs de lien social ou des "espaces de vie sociale" débitant de la boisson voire des biens de première nécessité ? Souvent, c’est l’enjeu du maintien du dernier commerce qui pousse une municipalité ou un collectif citoyen à s’investir. Or, les petites villes encore bien structurées commercialement voient aussi ouvrir des cafés associatifs. Au Fabuleux destin, à Aubusson, on papote déjà depuis un bon lustre et Felletin n’est pas en reste avec la très culturelle Petite maison rouge du quartier de la gare. "Il faut répondre aux besoins locaux et que les habitants se l’approprient."
Dans une petite commune on ne peut plus monter un projet hors sol où l’on ne se préoccupe que du tiroir-caisse. Il faut répondre aux besoins locaux et que les habitants se l’approprient.
Ce nouveau modèle d’ "économie mixte", y compris dans le fonctionnement, rompt avec le précédent système qui voyait une commune (ou une intercommunalité) assurer l’investissement, soit la mise aux normes un outil de travail commercial, avant de mettre celui-ci en gérance. Les désillusions ont été nombreuses en Creuse, tant du côté des repreneurs que des collectivités. La communauté de communes Creuse Thaurion Gartempe a essuyé plusieurs échecs successifs avec des gérants fantaisistes ou vite découragés : cette fois-ci, c’est décidé, l’auberge de Masgot, le village de la pierre, fleuron touristique du Centre Creuse, va devenir "associative."
Stéphane Grasser, "urbaniste rural" à la Société Coopérative d'Intérêt Collectif (SCIC) L’Arban (Faux-la-Montagne), accompage plusieurs projets de commerces hybrides : "Dans une petite commune on ne peut plus monter un projet hors sol où l’on ne se préoccupe que du tiroir-caisse. Il faut répondre aux besoins locaux et que les habitants se l’approprient. Ça peut passer par un financement participatif. Ces commerces ne sont pas que des lieux de marchandise, de la vie s’y fabrique. Ils ont une dimension d’intérêt général, collectif, de bien commun."
Chambonchard, La Cellette ou Saint-Georges-la-Pouge réfléchissent, mais le forum de Bourganeuf a permis aussi à des lieux de vie existant de partager leur expérience. Une nécessité. Même avec le renfort de bénévoles, ces structures sont souvent tenues à bout de bras.
Émilie Lordémus est la fondatrice du Constance social club, un bar associatif en passe d’être agréé centre social à Faux-la-Montagne.
"On a une programmation culturelle à l’année, c’est la partie la plus visible de l’iceberg. Mais on a des actions moins visibles, qui se rattachent plus à l’action sociale, comme un groupe de parole sur le décrochage professionnel."
"Sur Faux-la-Montagne, on a la chance d’avoir trois autres structures en lien avec la Caisse d’allocations familiales : la crèche Tom Pousse, la maison des jeux et des jeunes Cadet Roussel et Pivoine, atelier et centre de formation. Nous travaillons tous avec la CAF sur différents niveaux de services à la personne et d’appui aux familles. Avec eux, nous formons un pôle d’animation de la vie locale, que l’on peut définir comme un centre social éclaté. Si le Constance social club obtient cet agrément centre social, c’est justement pour cette mission de coordination. Le bistrot associatif reste le support mais nous avons choisi la création artistique, levier pertinent pour l’estime de soi et l’événementiel pour créer du lien. Notre angle, c’est : prendre soin des individus pour les aider à être mieux ensemble."
"La première étape, ça a été la réapropriation du lieu par les habitants. L’été 2015, l ’auberge a été ouverte en gestion associative, nous avions recruté deux cuisiniers et le test de viabilité économique sur une saison a été très positif, malgré le côté improvisation. Ensuite, nous avons recruté une personne pour gérer l’auberge et ça ne s’est pas bien passé. Les raisons principales sont la santé et la surcharge de travail. Après ce départ, à la fin de la saison 2016, la dynamique associative n’a pas été cassée. Les animations doivent toutefois s’interrompre ce mois-ci pour travaux : nous avons obtenu une subvention inespérée de la Région (70 % de 100.000 euros) qui va nous permettre de proposer un outil de travail impeccable. C’est génial !" explique Michel Lagoeyte, adjoint au maire de Saint-Martin-Château.
"On espère trouver le bon gérant. Nous avons relancé les annonces et nous avons 35 candidatures. Date limite : 15 janvier. Nous recherchons aussi une formule de bail qui permette de nous prémunir en cas d’échec : le détenteur d’un bail commercial peut très bien rester même si le commerce n’est plus ouvert. Ouverture prévue début mai 2017, afin de monter en chauffe avant l’été. Il faut que le repreneur ait le temps de s’intégrer dans les réseaux locaux et ait envie de prendre racine. Ça ne peut pas être juste des personnes qui assurent une prestation économique. L’objectif c’est qu’ils s’intègrent vraiment dans la vie locale."
Alain Peyle et Fabrice Martin sont adjoints au maire de Châtelus-le-Marcheix et bénévoles dans le commerce associatif du bourg :
"La commune a rouvert en régie il y a deux ans et demi l’auberge du bourg qui était tenue par un privé. C’est devenu un bar épicerie dépôt de pain. Au bout de six mois, la commune a passé le relais à une première association. Une nouvelle association a pris la suite cette année. On se pose la question d’une gérance et de la réouverture du restaurant, mais une étude de la CCI a conclu qu’il fallait continuer en associatif pour voir si c’était viable ou pas. On a en tout cas un lieu de vie dans le bourg et il y a des soirées, des expositions. Il y a suffisamment d’actitivité pour payer le salaire d’un salarié et l’association a embauché deux renforts pour les deux mois d’été. En saison, la population de la commune triple. Pour maintenir l’amplitude horaire, ce sont les bénévoles qui prennent le relais. Ce n’est pas facile de tenir le bar. On connaît tout le monde et tout le monde veut nous payer à boire !"
"Ce café associatif a la particularité d’avoir été porté par trois associations : Pays’Sage qui a une vocation culturelle, l’entente sud est Creuse de football et les anciens footballeurs de Flayat. Ce qui assure un vrai brassage, un joli petit mélange. Nous avons les footballeurs qui viennent après les matches. Les coupes sont d’ailleurs exposées dans le café. Chaque jour, il y a le temps fort de l’apéritif, c’est un vrai café de village", explique Juliette Morel, animatrice du café de l ’Espace à Flayat .
"Avec Raphaël, nous sommes deux animateurs programmateurs, il y a des rendez-vous toute l’année et la fréquentation est très satisfaisante : les soirs de concerts, ça peut monter à 70-100 personnes. À côté des rendez-vous musicaux, nous avons des propositions purement festives, comme la soirée plage ou les paroles dans l’Espace, qui sont des causeries autour d’un invité et d’un thème. Nous avons aussi des animations destinées aux familles, par exemple autour du jeu. Nous avons un agrément de la CAF en tant qu’espace de vie sociale. Nous travaillons aussi beaucoup avec les structures environnantes comme le CADA de Giat, l’Ehpad de Sornac ou la maison d’assistantes maternelles de Flayat."
Julien Rapegno
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