Pourquoi il faut restaurer un véritable système de couverture maladie pour les plus précaires : l’Aide Médicale de l’État

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Pourquoi il faut restaurer un véritable système de couverture maladie pour les plus précaires : l'Aide Médicale de l'État

(Lettre ouverte aux députés)

Différents documents publics vous incitent à poursuivre son démantèlement, en dernier lieu le rapport « emploi, travail et cohésion sociale : solidarité » rendue par Madame la députée Marie-Hélène DES ESGAULX dans le cadre de la loi de finances pour 2005 (page 42 à 50).

Nous souhaitons vous alerter sur le caractère erroné des arguments soutenus en ce sens, tant dans leur analyse que dans leurs conclusions.
Rappel

Vous avez déjà été amenés à vous prononcer sur le sort de l’AME : le dispositif a été en effet réformé par les lois de finances rectificatives adoptées fin 2002 et fin 2003, sur différents points, notamment :

- Fin de la gratuité des soins par l’instauration d’une participation financière (« ticket modérateur » et « forfait hospitalier »)
- Exigence d’une ancienneté de présence en France de trois mois
- Suppression de la procédure d’admission immédiate « si la situation l’exige » destinée à prévenir l’aggravation de l’état de santé jusqu’à l’urgence médicale.

Les arguments avancés à l’appui des réformes 2002 et 2003 sont identiques à ceux qui vous sont soumis aujourd’hui.

Nous réitérons les critiques formulées depuis deux ans par nos organisations, directement impliquées sur le terrain et témoins quotidiennement des effets délétères de ces réformes.

Un diagnostic financier erroné

C’est sur le plan financier que les amputations de l’AME seraient essentiellement justifiées, au vu d’une prétendue « explosion » des dépenses de l’AME ces dernières années. Un tel constat présente la faiblesse de s’appuyer sur les erreurs d’analyse du rapport de l’IGAS rendu en février 2003, lequel cumule les défaillances.

Ce rapport est en effet entaché d’une profonde méconnaissance du dispositif de l’AME quand il affirme ( page 49) « la réforme législative adoptée […] rétablit l’égalité entre assurés sociaux et bénéficiaires de l’AME par l’intervention d’un ticket modérateur, les bénéficiaires de l’AME conservant l’avantage de son plafonnement ». Comme vous le savez, cette affirmation, centrale dans l’analyse de l’IGAS, est erronnée, les assurés sociaux étant précisément dispensés de ticket modérateur par l’intervention de la complémentaire CMU.

De plus, le rapport de l’IGAS :

- Mentionne le recours à l’AME des demandeurs d’asile ou à des étrangers en cours de régularisation, alors que ces derniers relèvent de la CMU
- Relègue au second plan les retards de facturation et les reports de crédits des exercices précédents
- Ne distingue pas les dépenses sur décision individuelle du Ministre, ni les dépenses spécifiques de Mayotte
- S’abstient de toute comparaison, sans le moindre redressement par sexe et par âge ; entre le coût annuel d’un bénéficiaire de l’AME (environ 1 400 € début 2004) et la dépense annuelle moyenne par habitant (supérieur à 2 400 € à la même date)
- Erige des situations caricaturales en généralités (« tel international de football... » page 27)

Les mêmes approximations, qui gonflent artificiellement les chiffres, sont aujourd’hui brandies pour justifier l’aboutissement du démantèlement de l’AME.
Des conclusions erronées qui méprisent
toute considération de santé publique

Outre les dépenses supplémentaires induites par la suppression de l’accès aux soins précoces, les restrictions du droit à l’Aide médicale de l’Etat ont entraîné des situations d’exclusion de soins préjudiciables à la santé publique. En effet, rendre payant les soins pour les populations les plus pauvres de notre pays, c’est retarder le recours aux soins, voire inciter à renoncer aux soins ! L’objectif de « dissuasion » (expressément affiché par le rapport DES ESGAULX, page 50) est à cet égard particulièrement explicite.

Certaines de nos organisations ont d’ailleurs illustré ces effets délétères à travers de multiples situations concrètes qu’elles sont amenées à connaître (conférence de presse tenue en juin 2004.

Cette analyse est confirmée par la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM) (qui étudie les droits des demandeurs de l’AME), dont le Conseil d’Administration a émis le 24 février 2004, un avis unanimement défavorable, sur les deux projets de décrets que lui avait soumis le gouvernement, estimant que les « conditions d’accès particulièrement complexes » imposées par le gouvernement dans sa réforme compromettent « l’accès aux soins » des personnes concernées et contreviennent « aux exigences élémentaires de santé publique et de sécurité sanitaire, sans garantir au demeurant aucune efficacité économique ».

C’est pour toutes ces raisons que nous vous invitons à ne pas vous ranger aux recommandations visant à amputer encore davantage le dispositif de l’AME mais plutôt à :

- Avancer vers la rationalisation du système de couverture maladie en mettant en place une couverture véritablement universelle et unifiée pour tous les résidents, y compris les sans-papiers, en conformité avec les engagements internationaux de la France
- Dans l’attente d’abroger les dispositions législatives restrictives introduites en décembre 2002 et 2003 visant à exclure les sans-papiers de l’accès aux soins, renoncer à adopter leurs décrets d’application
- Maintenir la possibilité de faire des déclarations sur l’honneur pour justifier d’une situation de précarité
- Rétablir le droit à l’admission immédiate « quand la situation l’exige » afin de prévenir les onéreuses dépenses d’urgences médicales
- Comme le gouvernement s’y était engagé formellement, consulter les associations avant toute décision concernant la protection maladie des plus pauvres (AME et complémentaire CMU)

ODSE C/o Sida Info Service, 190 Bd de Charonne, 75020 PARIS http://www.odse.eu.org et e-mail : odse lalune.org

Signataires : ACT UP-Paris, AFVS (Association des familles victimes de saturnisme), AIDES, ARCAT, CATRED (Collectif des accidentés du travail, handicapés et retraités pour l’égalité des droits), CIMADE, COMEDE (Comité médical pour les exilés), FASTI, GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigrés), Médecins du Monde, MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples), PASTT (Prévention action santé travail pour les transgenres), Sida Info Service, Solidarité Sida.

En savoir plus en allant sur le site d’origine de l’information...

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