Penser l’activisme

Manifestation d'Act Up à New York, Etats-Unis, décembre 2017. ©Getty - © Pacific Press
Manifestation d'Act Up à New York, Etats-Unis, décembre 2017. ©Getty - © Pacific Press
Manifestation d'Act Up à New York, Etats-Unis, décembre 2017. ©Getty - © Pacific Press
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Ce soir comme chaque semaine deux essais sous les feux de la critique : "La société ingouvernable" de Grégoire Chamayou paru aux éditions La Fabrique et "La gentrification des esprits" de Sarah Schulman aux éditions B42.

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Ces deux livres  développent, chacun à sa façon, une certaine idée de l’activisme. Dans La Société ingouvernable : une généalogie du libéralisme autoritaire publié aux éditions de La Fabrique, le philosophe Grégoire Chamayou se penche sur ce qu’il appelle la « crise de gouvernabilité ». Il a épluché les discours théoriques des années 70, surtout aux États-Unis, sur l’entreprise et le management afin d’en dégager une théorie. Ou comment l’activisme politique, qui critique le rôle social et environnemental de l’entreprise, s’est vu opposer un contre-activisme qu’on retrouve dans les pratiques managériales. On reste en Amérique et plus précisément à New York pour le second essai dont il sera question ce soir La gentrification des esprits de Sarah Shulman publié aux éditions B42. Récit à la première personne de cette artiste, militante d’Act Up, qui montre comment la crise du sida a donné naissance à un certain type d’activisme créatif et radical… aujourd’hui oublié suite aux phénomènes d’embourgeoisement de la ville.

Grégoire Chamayou -La société ingouvernable

L’auteur est philosophe, et avait publié il y a cinq ans chez le même éditeur un livre très remarqué : Théorie du drone, qui se penchait sur les enjeux éthiques, moraux mais aussi économiques, juridiques et bien entendu technologiques de l’utilisation militaire des avions sans pilotes. 

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Il n’est pas question d’armes de guerres dans La Société ingouvernable, mais plutôt d’armes théoriques : celles développées par le monde des affaires pour contrer les différentes contestations qui émergeaient dans les années 70.  A cette époque, juste avant la crise économique du choc pétrolier, la légitimité du système social du monde industrialisé craque de partout. Il est remis en cause par les revendications pour plus d’autonomie et plus d’égalités que ce soit de la part des travailleurs, des femmes, des minorités… La panique est grande, et un certain Samuel Huntington théorise en 1975 le problème de la gouvernabilité qui serait propre aux démocraties trop démocratiques.

A cette époque ou le maniement des hommes est devenue une science qu’on appelle le management, la réflexion est menée pour assurer la pérennité de ce que Foucault appellera, à la même époque, « l’art libéral de gouverner ». C’est le corpus qu’analyse Grégoire Chamayou qui prend très au sérieux cette production intellectuelle à la frontière de l’économique et du politique, de l’entreprise et de la société. Pour montrer au final comment certaines stratégies élaborées alors par la réaction libérale vont durablement influencer la façon de gouverner l’entreprise mais aussi la chose publique.

La question de la gouvernabilité des gouvernés c'est la capacité à être gouverné, la capacité à être docile... Et cette question de la docilité je trouve qu'elle est très intéressante. (Catherine Portevin)

Citation : Le banquier David Rockefeller en 1971 disait : "le business n'a jamais  connu une telle défaveur publique depuis les années 1930, on nous accuse de détériorer la condition des travailleurs, de tromper les consommateurs, de détruire l'environnement et de léser les jeunes générations." Donc exactement ce qui est en train de se produire ! (Joseph Confavreux)

Sarah Schulman - La gentrification des esprits 

Deuxième temps de l’émission, nous nous intéressons au livre de Sarah Schulman, La Gentrification des Esprits, publié aux éditions B42… Un éditeur qui nous a plutôt habitué à sortir des livres en lien avec le graphisme, le design ou même les enjeux numériques… brefs des livres qui se penchent sur notre univers visuel.

Or, s’il est bien question des transformations qu’a connu New York dans les années 80-90, et notamment du phénomène de gentrification qui a profondément modifié la ville en expulsant artistes et activistes… cet essai est avant tout une réflexion historique. Sarah Schulman est romancière, dramaturge, et militante des droits humains et LGBT. Elle a été notamment engagée dans la lutte contre le sida comme membre d’Act Up New York. C’est d’ailleurs le point de départ du  livre de Sarah Schulman, son expérience militante, au sein d’un mouvement qui s’est imposé par la radicalité et par la créativité de ses actions, et dont la mémoire se perd selon elle… et dont l’histoire est en voie de gentrification. 

Le récit qui en est fait, selon elle, est trop propre, trop lisse… trop bourgeois et abouti à un défaut de conscience chez les jeunes militants LGBT. Sarah Schulman va tenter de comprendre ce mouvement de gentrification des consciences gays, qui accompagne le mouvement de gentrification des villes, comme une réaction au traumatisme du sida. Le résultat est la diminution de la conscience de la manière d’opérer des changements politiques et artistiques.

C'est un livre déroutant, assez décapant, parfois agaçant [...]. On est ici dans un récit non linéaire, pas du tout lisse, assez déroutant, tout en écriture inclusive. Mais au final ce texte m'a vraiment séduit car c'est une colère intacte. (Joseph Confavreux)

Ce que je trouve bien c'est qu'elle termine non seulement sur la question des lesbiennes mais des femmes en général et on voit que la question de la domination masculine n'est pas réglée et pas non plus par le mouvement guay. (Catherine Portevin)

L'instant critique

Nous vous proposons aujourd'hui l'article de Dominique Memmi, directrice de recherche en sciences sociales au CNRS, intitulé le « retour de la 3e classe », c’est sur laviedesidees.fr.

  • Le choix musical

"Ces mots simples" de Vanessa Paradis 

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